«La lecture n'est pas un acte facile. Elle exige un engagement, de la solitude, de l'attention, de la curiosité, une disposition d'esprit.»

michel deon bureau

Lettre à un jeune Rastignac

ou Lettre ouverte à Zeus

 

M égalonose, ami, je ne veux jamais l'oublier

I rlande, Grèce, Italie que vous aimez ; songes, souvenirs, trompeuses espérances

C onversations, parlons-en du balcon de Spetsaï et du taxi mauve

H u-Tu-Fu : une jeune parque et un jeune homme vert de 20 ans autour d'un déjeuner de soleil

E t un rendez-vous de Patmos avec les gens de la nuit qui leur offrent une fleur de colchique

L es poneys sauvages, et tout l'amour du monde, comme bagages de Vancouver dans l'univers labyrinthique

 

D ieu pâle s'est heurté à mes arches de Noé à la montée du soir

E t le prix de l'amour, c'est Thomas et l'Infini et Ariane ou l'Oubli

O euvrant au parfum de jasmin, aux dernières nouvelles de Socrate dans les pages grecques où ma vie

N' est plus un roman et pense à la corrida, la carotte et le bâton et se dit je me suis beaucoup promené

 

Je vous écris une longue amitié

Monique

J'ai demandé à Michel Déon ce qui l'a incité à écrire et par la même occasion, de me présenter son parcours d'écrivain, il me répond c'est un parcours chaotique où chaque livre a servi d'expérience au livre suivant ; et il me conforte en me disant le rapport privilégié qu'il établit avec son lecteur car étant lecteur forcé de mon propre livre, je dois bien penser à ce lecteur si exigeant pour les autres. Mon idée a toujours été d'écrire en complicité avec le lecteur. Je lui laisse des blancs pour qu'il complète.


La Montée du soir - Michel Déon

Michel Déon, La Montée du soir

« Vient un moment de la vie - mais lequel ? il diffère pour chacun, très tôt pour les uns, très tard pour les autres, parfois jamais pour de rares élus comblés, mourant les mains, la mémoire et le cœur pleins -, vient donc un moment de la vie où nous nous apercevons que les amitiés, les amours, les sentiments et jusqu'aux lieux et aux mots que nous croyons perdre par une maladresse déprimante, en réalité nous quittent d'eux mêmes, animés d'une sournoise volonté de fuite.»

 

 

A la question que je lui posais :Si vous deviez garder l'un de vos livres, lequel garderiez-vous et pourquoi ?

La Montée du soir : parce qu'après j'aurais dû me taire.


Adieux à Sheila, Laffont, 1944.

Le personnage de Sheila est attachant tout en étant fuyant, on se demande tout au long du roman, si Jacques va la retrouver, va la chercher, il la perd, il la retrouve, et la perd à nouveau. C'est un roman qui relate les difficultés que nous rencontrons dans les relations humaines surtout lorsqu'elles sont passionnelles.

Amours perdues, Bordas, 1946.

 

Je ne veux jamais l'oublier, Plon, 1950.

Avant d'entrer dans ce qu'il appelle le cercle infernal du travail et des loisirs forcés, Patrice Belmont s'offre le répit d'un séjour à Venise, auprès de sa tante dont les manies et le snobisme l'agacent plus qu'il ne l'amusent. Pourtant c'est grâce à elle qu'ils rencontrent Jean Lebreuil et Olivia qui vont influer sur le cours de son existence.

Vous êtes jolie, distante et ambiguë. C'est trop beau. Il y a un piège la-dessous. Je pense toujours aux annonces de mariage : rien que des qualités et une certaine fortune. Alors pourquoi ne se marient-elles pas sans le secours des journaux ? On leur écrit, on va les voir : il leur manque un œil, elles ont un bec-de-lièvre, ou un fils naturel, elles veulent partir pour les colonies.

Quel est votre piège ?

- Indiscret !

- Cela vaut mieux. Ne me dîtes rien. J'ai encore deux chances : que vous soyez parfaite ou bien qu'il y ait vraiment un piège et que, je ne le découvre jamais.

Un taxi mauve, Gallimard, 1978

Le narrateur mène une vie retirée dans la campagne irlandaise et fait d'étranges rencontres : d'abord, quelques descendants de la famille Kean, Irlandais qui ont fait fortune en Amérique. Deux frères et deux sœurs, Jerry, qui a trop fumé l'opium et que l'on envoie se mettre au vert en Erin ; Sharon, devenue princesse en achetant un château allemand et son châtelain... Mais aussi une autre famille : un géant fabuleux Taubleman, et de sa fille Anne, qui est muette jusqu'à ce qu'une chute de cheval lui rende la parole.

Avez-vous remarqué  qu'il n'y a d'amitié possible entre un homme et une femme que s'ils ont été amants et ont renoncé une bonne fois pour toutes aux plaisirs vulgaires ? C'est notre cas, n'est-ce pas ?

- Une bonne fois pour toutes ?

- Je n'exclus pas les accidents. Mais les risques sont limités. Je ne sais pas quand nous nous reverrons...

- Vous partez ?

- Aujourd'hui.


La Corrida, Plon, 1950.

On peut quitter son pays pour toutes sortes de raisons. Parce que la police est à vos trousses ; pour rejoindre l'amour de votre vie ou parce que vous n'y avez pas droit à la parole. Il arrive qu'on quitte son pays sans raison majeure. Par ennui.

Vous êtes jolie, distante et ambigüe. C'est trop beau. Il y a un piège la-dessous. Je pense toujours aux annonces de mariage : rien que des qualités et une certaine fortune. Alors pourquoi ne se marient-elles pas sans le secours des journaux ? On leur écrit, on va les voir : il leur manque un œil, elles ont un bec-de-lièvre, ou un fils naturel, elles veulent partir pour les colonies.

Quel est votre piège ?

- Indiscret !

- Cela vaut mieux. Ne me dîtes rien. J'ai encore deux chances : que vous soyez parfaite ou bien qu'il y ait vraiment un piège et que, je ne le découvre jamais.

Le Dieu pâle, Plon, 1954

Quatre vivants et une morte jouent à s'aimer, se détester, se perdre et se retrouver. Ils découvrent avec étonnement que pour s'aimer il est quelquefois nécessaire de se parler à cœur ouvert, mme si le cœur a des exigences qui dépassent la mesure commune. Mais ces êtres qui n'ont aucune pudeur physique ont une grande pudeur morale. Un secret les étouffe. Il faudra bien, pour respirer, qu'Olivier s'en délivre, qu'Aimée, sa femme, accepte toutes les fatalités que Jérôme son frère, vive les yeux ouverts, que Philippe trouvé à l'existence une conclusion qui lui ressemble. Un été de chaleur, une nuit d'orage dans le midi de la France auront suffi à nouer ou dénouer les fils de cette histoire à vaincre ce "Malheur, dieux pâle aux vœux d'ivoire" invoqué par Guillaume Apollinaire.

Tout l'amour du monde I, II, Plon, 1955, 1960.

Michel Déon se définit dans ce livre comme « un écrivain qui aime les mots plus que les idées, la beauté des êtres plus que la beauté des choses, le cœur plus que l’esprit ». Il a quarante ans et pour la première fois « regarde l’automne comme la saison d’un indicible espoir ».

Leur écrire à toutes est une façon pudique de prouver sa reconnaissance. De ces diverses escales, il rompt sa solitude en écrivant à des femmes qu’il a aimées, quittées quand ce ne sont pas elles qui ont choisi une vie ailleurs.(tome 1)

C’est qu’entre temps, j’ai vieilli. Pas beaucoup. Un peu seulement. Juste ce qu’il faut. Je n’écris plus à de belles amies. J’écris à moi-même. Il n’est pas certain que ce soit une façon de se raconter plus sincère que l’autre. Changement de ton dans le tome 2.

Plaisirs, Éditions de Paris, 1955 (sous le pseudonyme de Michel Férou). 

Lettre à un jeune Rastignac, libelle, Fasquelle, 1956. 

Les Trompeuses espérances, Plon, 1956.

Un écolier bouscule une jeune fille dans la rue, lui renversant son carton à dessin. C'est ainsi qu'Olivier croise pour la première fois Inès, la femme qui l'obsèdera désormais pour toujours. Déroutante Inès, très proche un jour, lointaine le lendemain ! Mystérieuse Inès, qui cache manifestement un secret qui lui brûle le cœur mais qu'elle ne peut ou ne sait confier à personne. Olivier, désespérément amoureux, tourne en rond. Jusqu'au jour où un drame survient et que la vérité lui est dévoilée, ce qui rend les choses pires encore. 
J'aimais Paris, cette ville noire où chacun peut choisir ses points névralgiques et jusqu'à la teinte de ses nstalgies. En même temps, j'en avais peur comme un provincial parce que je n'y avais pas de souvenir d'enfance.

 

Entretien avec… Michel Déon  par Monique Géara


Monique Géara

1. Quand on lit les quelques notes biographiques figurant sur la quatrième de couverture de vos romans, on a envie de vous demander ce qui vous a incité à écrire. Pouvez-vous présenter votre parcours d’écrivain ?
Michel Déon
Un parcours chaotique où chaque livre a servi d’expérience au livre suivant.
M.G.
2. A la différence de certains auteurs qui se cantonnent à un type d'écriture, vous vous êtes essayé à tous les genres : récit, livres de voyage, et enfin, roman. Comment expliquez-vous cet éclectisme ? Quelle forme d'écriture vous paraît être la plus exigeante ?
M.D.
Il me semble que le roman, du moins tel que je le conçois, exige le plus de maîtrise et de don de soi. Lisez l’excellente revue L’Atelier du roman                                                                   dans laquelle je me suis expliqué et qui est un garde-fou de la littérature.
M.G.
3. Comment travaillez-vous vos textes ? Quand vous commencez l’écriture d’un roman, quel est le point de départ de votre travail ? Les personnages ? L’intrigue ? Une atmosphère qui vous séduit et que vous voulez restituer ? Concrètement, comment s’opère la naissance d’un livre chez vous ?
M.D.
Chacun a ses secrets. Mon point de départ est généralement une phrase ou une image qui me passent par la tête et viennent de je ne sais où. Ensuite, c’est à moi de tirer sur le fil pour avoir tout le reste.
M.G.
4. Par rapport à votre parcours professionnel, où se situe l'écriture : a-t-elle été présente tout au long de votre vie ou bien est-elle le prolongement d'activités antérieures ?
M.D.
Il m’est arrivé d’exercer des métiers secondaires : journaliste, éditeur, mais le livre a toujours été l’ambition finale.
M.G.
5. Est-ce que vous pouvez nous parler de vos projets d’écriture ?
M.D.
Comme les peintres, j’ai plusieurs projets sur le feu, allant de l’un à l’autre : un roman, des choses vues, des souvenirs, un essai sur l’Irlande. Je ne suis pas pressé. A 82 ans, j’ai tout le temps devant moi.
M.G.
6. Au moment où vous écrivez, pensez-vous toujours au lecteur ? Quel rapport établissez-vous avec lui ?
M.D.
Étant lecteur forcé de mon propre livre, je dois bien penser à ce lecteur si exigeant pour les autres. Mon idée a toujours été d’écrire en complicité avec le lecteur. Je lui laisse des « blancs » pour qu’il complète. 
M.G.
7. Pouvez-vous, maintenant, parler de vos livres ? Quels sont ceux qui vous ont donné, véritablement, du plaisir ?
M.D.
Les Poneys sauvages 
La Montée du soir 
Un déjeuner de soleil, mon préféré (peut-être parce qu’il est à la fois fiction et vérité, qu’il cache pas mal de mes secrets et qu’il est une débauche d’imagination qui m’épate encore moi-même. 
Un souvenir
M.G.
8.Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire ? Avez-vous un rituel particulier lorsque vous écrivez ? Est-ce plutôt le matin, le soir ? Quelles sont vos habitudes d’écriture ?
M.D.
Un prurit. J’écris plutôt le soir. Mon habitude d’écrire est la rature.
M.G.
9. Diriez-vous aussi que vous écrivez les livres que vous aimeriez lire ?
M.D.
Certainement. C’est une bonne définition.
M.G.
10. Si vous deviez garder l’un de vos livres, lequel garderiez-vous et pourquoi ?
M.D.
La Montée du soir : parce qu'après j'aurais dû me taire.
M.G.
11.Vous arrive-t-il de vous relire ?
M.D.
Forcément pour les rééditions nombreuses. Je corrige mes livres comme si j’étais leur aîné ou leur ennemi.
M.G.
12. Je voulais vous poser une autre question : elle concerne les ateliers d'écriture. Vous avez une longue expérience de l'écriture. Pensez-vous que l'écriture peut s'apprendre via les ateliers ?
M.D.
Je ne crois pas aux ateliers d’écriture. Je propose volontiers d’abord des ateliers de lecture. Commençons par le commencement. 
M.G.
13. Que pensez-vous du nouvel outil de communication : Internet ? 
M.D.
Rien.
M.G.
14. Quel est votre livre de chevet ? votre auteur favori ?
M.D.
Rabelais.
M.G.
15. Quel est le mot dans la langue française que vous préférez ?
M.D.
Le mot ETREINTE qui fut étudié en mon honneur lors de ma première séance à l'Académie Française.