«Ecrire, c'est très dur, avec de grandes fenêtres de joie.»

andree chedid bureau

A vous, à la Mort à la Vie

Merci

 

A khnaton, amie, n'a pas pu rêver sans

N  efertiti qui l'a comme dit l'Autre

D élivré de son sommeil dans cette maison sans

R acines où le coeur suspendu à la peau

E troite a reçu le Survivant du Liban :

E nfant multiple en ce sixième jour.

 

C ités fertiles d'où émergent le Cérémonial de la violence et 7 plantes pour un

H erbier suivi des Mondes Miroirs Magies où tout

E trange mariée induit l'échec à la reine par les Corps et le Temps

D essinant, chantant des textes et des poèmes sur ces visages premiers à l'épreuve du vivant

I nventant les marches de sable par des jours de fêtes et lubies car grâce à vous, Bérénice d'Egypte, jaillit

D e la laideur des cavernes du monde, un rayon de soleil et de beauté

 

Pour vôtre Fraternité de la parole

Monique

 

Andrée Chedid par elle-même

Après un long séjour en Poésie, elle prit plaisir aux nouvelles, ensuite au roman, retrouvant dans ces deux cas, à travers son pays d'origine, des visages, à la fois simples et singuliers, qui l'habiteraient toujours.

Le théâtre l'attirant aussi, elle y fit quelques plongées.

Tout ceci sans jamais quitter la Poésie, ponctuation incessante dans son existence, éternel retour aux sources et à l'interrogation première.

Elle aima les gens les plus divers, connut les joies de l'amitié, le bonheur de l'amour. Malgré un regard lucide porté sur les atrocités du monde et de l'histoire, en elle, l'espoir ressuscitait toujours.

 



Saisir

Recueillir le grain des heures

Etreindre l'étincelle
Ravir un paysage
Absorber l'hiver avec le rire
Dissoudre les nœuds du chagrin
S'imprégner d'un visage
Moissonner à voix basse
Flamber pour un mot tendre
Embrasser la ville et ses reflux
Ecouter l'océan en toutes choses
Entendre les sierras du silence

Transcrire la mémoire des miséricordieux
Relire un poème qui avive
Saisir chaque maillon d'amitié.

 

                        Andrée Chedid, Par-delà les mots, 1995


Pour l'éclosion des Saisons de passage,

Par-delà les motsvos mots, Andrée, il y a toujours l'émotion, la joie au cœur, le sourire au visage, le Poème au texte et les Textes aux poèmesVotre Cérémonial de la violence fait écho à vos Fêtes et lubies donnant à votre écriture tout son éclat : tout ce qu'il y a de plus tragique et comique (si je puis me permettre) dans la vie, la mort ! 
Chère amie, vous voir et vous écouter, ce sont je le citerais avant de le lire, vos Saisons de passage, votre être-là, toujours-là, présente à écouter, à échanger, à montrer de l'avant ce Visage premier  Terre et poésie se côtoient dans ce Double pays, à Contre-chant dans les Cavernes et soleils pour chanter les Grammaires en fête et célébrer au vif des vivants les états des Marées dans les Territoires du souffle au devant la mort. Cette fois-ci, amie, je ne parlerai que de poésie, pour l'Épreuve du vivant et pour l'émotion de Je de la poésie est à tous... et ce Petit horoscope pour rire  Textes pour le vivant et la Terre aimée font signe à votre Fraternité de la parole que je vous adresse avec toute mon affection et mon indéfectible amitié. De ce grain où germent 7 plantes pour un herbier puis deviennent chant !
Monique

Le Sommeil délivré, Stock, 1952.

Samya, une jeune femme égyptienne tue son mari de deux coups de revolver. Elle est handicapée, ne peut marcher et garde le lit depuis plusieurs années. Ainsi débute le roman. Ensuite, c'est un flash-back : Samya raconte son histoire de petite fille en Egypte, puis de la très jeune femme de quinze ans mariée de force à un homme Boutros, beaucoup plus vieux qu'elle, qui la délaisse et préfère de loin la gestion de son domaine.

Elle voulait tout oublier, et qu'ils viennent vite. Tout oublier , jusqu'à ce qu'ils viennent. N'être plus que ce cri ! (...) D'autres, comme moi, ont dû sentir leur vie s'effriter au long d'une existence sans amour. Celles-là me comprendront. Si je crie, je crie un peu pour elles. Et s'il n'y en a qu'une seule qui me comprenne, c'est pour celle-là que je crie, que je crie au fond de moi, aussi fort que je le peux.

Jonathan, Seuil, 1955.

Deux jeunes gens, Jonathan et Alexandre représentent le premier, la tardition, sous la forme de la fidélité à la foi chrétienne, et le second, le désir de bâtir un univers meilleur. Leur ancien professeur, Naghi, devenu cordonnier, un sage qui les guide, veut les rapprocher. Jonathan, le sacristan, va renoncer à la prêtrise pour s'engager auprès d'Alexandre, le bâtisseur. Mais une balle le fauche en chemin quand il veut quitter l'église pour se rendre à son nouveau destin.

- Quel est le sens de la vie ?

- Il n'y a pas de sens à la vie; du moins, nous ne le connaissons pas, dit Naghi. Il n'y a que des chemins.

Il ajouta plus bas : 

- Chacun doit trouver, seul, son propre chemin.

- Mais pour aller où? fit le jeune homme.

(...) Nous ne pouvons que cheminer, une boussole en main, appelle-la conscience, âme, comme tu voudras...Nous ne pouvons faire que ça, cheminer, répéta-t-il.

 


Le Sixième jour, Julliard, 1960.

C'est l'histoire de Om Saddika, une vieille femme prête à tous les sacrifices pour sauver son petit-fils atteint du choléra. Dès les premiers signes de la maladie, elle fuit sa maison, laissant son mari grabataire à la garde d'un voisin. Elle veut éviter que l'enfant ne soit amené par les services sanitaires dans un hôpital, plutôt un mouroir, où il n'aurait aucune chance de survie. C'est le combat terrible et implacable de cette grand-mère contre la mort dans l'attente du sixième jour, celui où le malade qui a la chance de réchapper à la terrible maladie revient à la vie.

Ce soir, je veille pour toi ; plus tard, tu veilleras à ton tour pour moi. C'est ainsi que va le monde pour ceux qui s'aiment... Ne parle pas, ne bouge pas, je parle et bouge à ta place. Mais écoute : je te dis, que tu vas guérir... Le sixième jour est là, le sixième jour approche. Un jour, plus un jour encore et tout sera accompli... Je te vois (comme si c'était à présent) : tu cours très loin devant moi sur une route, et plus tu t'éloignes, plus tu grandis.


Le Survivant, Julliard, 1963

En pleine nuit, Lana apprend par un coup de téléphone que l'avion dans lequel son mari, Pierre, a embarqué quelques heures plus tôt, s'est écrasé dans le désert. Mais il y a des survivants. Bientôt plus qu'un survivant ! Lana, convaincue qu'il s'agit de Pierre , part à la recherche de l'homme qu'elle aime à travers oasis, villages, désert et solitude...

A force de les utiliser, on ne connaît plus rien aux mots. On pourrait jouer avec un seul d'entre eux. L'habiller de jour, de nuit. Le barbouiller d'émotion ou bien l'aiguiser, le polir, l'analyser à la loupe, le panacher de drôlerie, le métamorphoser à coups d'humeur, de couleur.

L'Autre, Flammarion, 1969.

Un vieil homme Simm traverse sa petite ville un matin de beau temps. A la fenêtre d'un hôtel, il aperçoit un jeune homme qui lui sourit et lui fait signe. Cette rencontre, pour le vieil homme, semble une porte ouverte vers l'ailleurs, vers une certaine légèreté. C'est le regard de l'Autre, sur lui et son environnement, qui leui permet ce sentiment d'exister. Et puis un tremblement de terre, et devant ses yeux ébahis, son jeune homme étranger est englouti par l'immeuble.

- Nuit !... Nuit des nuits !...

La vie s'y déverse. La vie dans chaque grain, dans chaque mot...Si seulement  chaque fois on le voulait. "NUIT" Simm est tout à la nuit. Simm est au monde. Simm est à sa voix. Il s'enchante de ce passage du chant dans sa gorge, du tiraillement des cordes vocales, de leurs accents au loin. S'enchante du mot qui part, se dilapide, s'offre, impudique, à l'aventure. Puis, du même mot qui revient, s'aiguise, se serre autour de la brèche, se comprime, pénètre dans la nuit douloureuse.

- Nuit plus que nuits !...


La Cité fertile, Flammarion, 1972.

La vieille Aléfa danse sur les berges du fleuve. Elle y retrouve Simon, le jeune comédien qui fit dans son immeuble, avec sa femme Livie.  Ils ont emmené avec eux Natia et Deric, le frère de Simon qui est dans les affaires, bien loin de ce monde-ci... Point de rencontre, point de rupture, entre deux univers qui se mêlent et restent étrangers.

J'ai fibres et racines sur au moins trois continents. Mes atavismes sont multiples. A tous les azimuts, mes ancêtres se sont entremêlés. Tous ces croisements me gardent libre et sans frontières.

Nefertiti et le rêve d'Aknaton, Flammarion, 1974

Nefertiti... sa beauté est célèbre. Mais qui est cette femme et quelle fut sa vie ? Avec Akhnaton, qui régna sur l'Egypte vers 1400 avant J.-C., ils ont formé le couple le plus prodigieux de l'Histoire. Ils rompent avec un passé trop lourd, quittent l'ancienne et fastueuse capitale de Thèbes pour fonder ensemble, sur une terre vierge bordant le Nil, la Cité d'Horizon.

Pour ne pas la distraire de ses pensées, mon roseau touche à peine ma feuille blanche ; je trace des traits de plus en plus effilés dans un frottement imperceptible. Autour de nous le temps s'arrête. Le silence grandit. Je cesse, un moment, d'écrire pour prendre part à ce silence.

Les Marches de sable, Flammarion, 1981.

Nous sommes en Egypte au IVe siècle après J.C. Pour fuir ce monde déchiré, pour échapper à leur monde, à leur destin, trois femmes se réfugient, seules, dans le désert. Athanasia, la femme usée, qui a choisi délibérément de se retirer au désert, tandis que les deux autres Marie,  la courtisane et Cyre, la fillette, elles ont fui les massacres ou les mauvais traitements.

Si l'on descend, si l'on s'enfonce, plus bas, beaucoup plus bas, on trouve une autre vie (...) Très au fond, il y a des nappes d'eau. Parfois, il m'arrive de les toucher. Alors c'est la vie. Cela aussi, c'est la vie.


La Maison sans racines, Flammarion, 1985.

En 1975, la grand-mère Kalya et sa petite fille Sibyl se donnent rendez-vous à Beyrouth. Sybil, douze ans, vit aux États-Unis et Kalya, sa grand-mère à Paris, mais c'est sur la terre de leurs ancêtres qu'elles ont voulu se rencontrer pour la première fois, se découvrir. Une occasion pour Kalya de se souvenir de ses vacances avec sa grand-mère Nouza, en 1932, mais aussi de soutenir, en 1975, une marche pour la paix dans Beyrouth où la tension monte et où la violence éclatera. 

Kalya avance à l'intérieur d'un cauchemar. Un danger menace, des liens invisibles entravent ses genoux, elle piétine, s'enfonce jusqu'aux chevilles dans une terre bourbeuse. Elle pourrait, elle voudrait être ailleurs. Dans un autre pays, un autre monde, sur un autre chemin. La mort est-elle au bout de celui-ci ?


L'Enfant multiple, Flammarion, 1989

Omar-Jo vient d’un pays en guerre, ses parents ont été tués lors d’une explosion. Il a été recueilli en France par des cousins. Tout près de leur domicile, à Paris, Maxime, le forain, a installé son manège ; mais ce dernier n’est plus vraiment fréquenté. Omar-Jo propose au vieil homme de travailler avec lui, pour redonner vie à ce manège. Par ses clowneries, il parvient à attirer le public. Lorsqu’il sentait son public avec lui, applaudissant et riant de ses loufoqueries, Omar-Jo changeait brusquement de répertoire.

- A ton âge, d'où tiens-tu ces choses, demanda Maxime, plus tard, dans la soirée.

- Un jour, je te raconterai.

- Tu parles parfois comme un enfant, parfois comme un adulte. Quand es-tu toi-même, Omar-Jo ?

- Chaque fois.

Les Saisons de passage, Flammarion,  1996.
Autour de ma mère, cette compagne, ce livre se compose de saisons vécues en des lieux, des temps divers et disparates. Négligeant la stricte chronologie, l'autobiographie réductrice, ces pages relatent pourtant un parcours où réalités et imaginaire s'entrelacent. Selon le désir, l'humeur, la fantasque mémoire, événements, personnages, se présentent à leur gré. Parfois tangibles, d'autres fois fictifs, toujours reliés, ils émergeront pèle-mêle des années disparues. A. Chedid.

  • Une mère, tu le fus. A ta manière. Unique. Douée de tant de ferveur, d'amour, de générosité que je n'ai jamais éprouvé ni manque, ni frustration. Cela tenait sans doute aussi, en partie, à cet esprit d'indépendance semé en moi comme un germe, de femme à femme.
  • Nos "saisons de passage" vont, viennent, apparaissent puis disparaissent périssent puis ressuscitent. Saisons de l'existence, des passions, du regard, des ténèbres ou de la joie...
  • J'adore, j'adore ce rire. Ce n'était pas un rire sous cape, ni un rire du bout des lèvres, mais un rire explosif, fulgurant qui écartait l'ennui, repoussait murs et plafond. En moi, il résonne toujours.

Lucy, la femme verticale, 1998.

Que cherche-t-elle à nous transmettre, notre ancêtre Lucy, à travers l'énigme et les brumes de ces trois millions d'années qui nous séparent ? Saurons-nous l'entendre ? En se mettant debout, à la verticale, cette petite créature simiesque annonce, pas à pas, une aventure prodigieuse, inattendue, qui ouvrira la voie à toute l'humanité. 

Tu voudrais saisir la clé de nos parcours. Déchiffrer quelques éléments de ce qui fait la vie. Traduire ce "moi" que je deviens à travers "toi". Ce "toi" qui contient des parcelles de ce que je suis. Tu voudrais apprendre, connaître. Tu n'y parviendras que par fragments. Tu chercheras à interpréter, à décrire. Le                            mystère n'aura pas de fin. L'énigme demeure toujours.

Le Message, Flammarion,  2007.

Dans un pays en guerre, une jeune femme, Marie, est blessée par une balle. Malgré la douleur, elle ne pense qu'à une chose : rejoindre Steph, qui habite de l'autre côté de la ville.Entre eux, il y a un pont. Ils partagent une passion très vive et viennent de traverser une crise. Malgré cela, Marie est prête à tout pour revoir Steph. C'est le message qu'elle avait pour lui, avant d'être mortellement touchée. Elle vacille sous la lumière de midi. Le sang coule de sa blessure. A mesure qu'elle avance, des images de son passé surgissent, emportées par une mort au ralenti que rien n'arrêtera. D'autres personnages l'aident, comme aimantés par ce lieu où la vie, le hasard et le destin mélangent leurs cartes.

Il adossa Marie contre sa poitrine et lui parla à l'oreille, lentement. Des mots usés, des mots neufs, des mots denses, chargés d'amour. Des mots inépuisables. Des mots simples, des mots vrais.

- Je t'aime. Tu es ce qui m'anime. Je n'ai aimé que toi.

Les Quatre morts de Jean de Dieu, Flammarion, 2010.

Jean de Dieu vit dans une famille bourgeoise espagnole très catholique pratiquante au point qu'il envisage la prêtrise. Sa jeune cousine lui fit découvrir une autre facette de la vie et c'est fini de la future carrière dans les ordres. Ce fut sa première mort. La seconde est son exil en France suite à la prise du pouvoir par Franco et à la mort du Front Populaire. Il ne reverra plus jamais l'Espagne. La Chute du Mur de Berlin sonnera la fin de son idéal communiste. Voici qu'arrive "la Salope" c'est ainsi qu'il appelle sa maladie. Victime d'Alzheimer, il luttera pour reculer l'échéance de sa troisième mort. La quatrième fut l'ultime et l'inéluctable.

 

Ils avaient souvent l'un et l'autre parlé de la mort. L'âge avançant, ils savaient en être dangereusement proches. A l'époque de leurs parents, on pouvait espérer atteindre soixante-dix ans. Mais on était loin d'atteindre les quatre-vingts ou les cent ans comme aujourd'hui. La vie s'était allongée, mais le temps semblait se rétrécir mystérieusement et de plus en plus vite.

L'Autre

 

« Je est un autre. » Arthur R.

 

 A force de m'écrire

Je me découvre un peu

Je recherche l'Autre

 

J'aperçois au loin

La femme que j'ai été

Je discerne ses gestes

Je glisse sur ses défauts

Je pénètre à l'intérieur

D'une conscience évanouie

J'explore son regard

Comme ses nuits

 

Je dépiste et dénude un ciel

Sans réponse et sans voix

Je parcours d'autres domaines

J'invente mon langage

Et m'évade en poésie

 

Retombée sur ma Terre

J'y répète à voix basse

Inventions et souvenirs

 

A force de m'écrire

Je me découvre un peu

Et je retrouve l'Autre.

 

Andrée Chedid